Une usine fabriquant un carburant de synthèse à partir de CO2,
est-ce une bonne ou une mauvaise idée ?
J’adore lire Jean-Marc Jancovici quand il me dit que j’ai l’équivalent de 200 esclaves à mon service pour me nourrir, me chauffer, et me transporter et aussi fabriquer tous les objets de mon quotidien. J’aime ces esclaves et je ne suis pas prêt à m’en séparer…
J’aime aussi partir à la découverte de l’imbrication des économies qui est illustrée par la fabrication d’objet aussi simple que le tee-shirt blanc pour lequel des milliers de personnes et des centaines de techniques sophistiquées sont mises en œuvre qu’il s’agisse de produire l’engrais qui nourrit le cotonnier ou de créer les machines qui vont usiner les pièces du métier qui va tisser le coton.
Nous vivons dans une société globale interconnectée et complètement interdépendante, comme le montre aussi la crise de Covid.
Et, par exemple, nous utilisons collectivement beaucoup de ciment ou beaucoup d’acier pour nous loger ou loger nos activités.
Et avec ma meilleure bonne volonté, je n’imagine pas un monde sans ciment et sans acier dans 30 ans, en 2050. Nous risquons donc d’en produire pendant plusieurs dizaines d’années. Et même si nous réduisons de 5% par an pendant 30 ans les émissions de CO2 relatives au ciment ou à l’acier, il en restera encore 21%… donc retraiter ces émissions ou plutôt réutiliser ces émissions me parait une bonne, ou même une très bonne, idée.
Donc cette usine de Dunkerque qui va produire de l’essence à partir du CO2 semble être une bonne idée. Au lieu de produire directement du maudit CO2 , le CO2 va servir une seconde fois pour créer un carburant qui pourra me transporter avant d’être relâché dans l’atmosphère. Car le pétrole, ou ses dérivés tels que l‘essence, le kérozène ou le diesel sont des énergies immédiatement disponibles extrêmement compactes qui permettent un transport organisé et régulier contrairement aux autres formes d’énergies qui sont soit fixes comme l’hydroélectricité ou la géothermie ou soit intermittentes comme le vent ou le soleil.
Certes, il faudra « un peu » d’énergie pour transformer ce CO2 en carburant qui produira ensuite du CO2.
La question est de savoir quelle est la quantité d’énergie nécessaire à cette transformation ? Est-ce qu’il suffit de quelques panneaux solaires, ou de quelques éoliennes, ou de quelques centrales nucléaires ?
Et la question suivante est quelle est la quantité d’énergie supplémentaire qu’il faut pour faire fonctionner cette usine nous pas à partir d’une source concentrée en CO2 comme l’usine d’Arcelor Mittal, mais simplement à partir de l’air et ainsi lentement rétablir le niveau de CO2 de 1859, avant qu’Edwin Drake ne fore son premier puits de pétrole.
Je n’ai pas trouvé la réponse directe à ces deux questions, bien qu’il existe déjà des usines comme de capture du CO2 produit par des usines émettrices, ou par des usines de capture du CO2 de l’air , comme Climeworks en Suisse.
La seule réponse que j’ai trouvée est indirecte :
· un litre d’essence coute environ 1.50€ dont 1.00 de taxes et 0.20 euros de cout de distribution. Le coût de recherche, d’extraction et de transformation du pétrole est donc d’environ 0.30 euros par litre. Aujourd’hui, il n’y a pas de prime liée à la rareté du produit.
· le prix d’un litre d’essence de synthèse créée à partir de CO2 est estimé à 2 à 3 euros, disons 2.5 euros
L’essence de synthèse est donc huit fois plus chère, mais après coût de distribution et taxes , elle n’est que 2,5 fois plus chère, 3.70 € contre 1.50 €.
Une autre conclusion du même raisonnement est de dire que le coût pour recycler de l’essence est actuellement estimé à 2.20 € , qui est la différence entre le prix de l’essence synthétique et le prix de l’essence fossile. Et comme un litre d’essence contient 2.3kg de CO2, cela met le prix de la tonne de CO2 à 956 €. Le rapport Quinet 2 ne demande de valoriser qu’à 250 € la tonne de CO2 en 2030, mais à 775 € en 2050..
Cela semble signifier que cette technique ne sera économiquement viable que dans trente ans, ou que si des progrès substantiels sont réalisés pour baisser le prix de l’essence de synthèse, en utilisant d’autres méthodes que le procédé de Fischer-Tropsch, en utilisant une voie biologique par exemple.