Ceci est la copie d’un article trouvé sur internet qui date de 2014. Malheureusement, l’auteur n’est pas mentionné clairement et il n’est donc pas possible de le créditer.
I) Production de l’H2
Si beaucoup d’attention est portée sur l’utilisation de l’hydrogène dans diverses applications, beaucoup moins d’attention est portée aux procédés de sa production en amont.
On peut produire de l’H2 d’au moins une dizaine de façons, par exemple :
- Soit à partir de charbon par chauffage (ce qui a été fait et ça s’appelait le gaz de ville jusque dans les années 60).
- Soit à partir de gaz naturel (composé principalement de méthane) avec de la vapeur d’eau. C’est la méthode industrielle la plus employée dite de reformage. Plus de 90% de la production mondiale d’H2 est issue du gaz naturel par cette méthode. Il est à noter que la quantité de CO2 émise par cette filière est supérieure à celle émise par la combustion directe de ce gaz (dans un moteur par exemple). L’H2 actuel issu du méthane n’est donc pas écologique.
- Soit à partir de biomasse par gazéification. La biomasse pourra représenter un appoint local dans certains pays mais il reste des difficultés techniques de mise en œuvre et surtout d’approvisionnement à très grande échelle.
- Soit à partir de micro-organismes photosynthétiques (production en laboratoire mais jamais à grande échelle).
- Soit à partir d’eau, et il existe trois méthodes :
- par électrolyse (c’est aujourd’hui moins de 1% de l’H2 fabriqué dans le monde),
- par thermolyse ou craquage thermochimique de la molécule d’eau à très haute température (minimum 900°C jusqu’à 3000°C) envisagé dans certaines futures centrales nucléaires VHTR (Very High Temperature Reactor),
- et aussi par photo-électrolyse sur un semi-conducteur.
II) Chiffres et ordres de grandeur
Afin d’éviter le travers de ceux qui, par intérêt ou par naïveté, sautent comme des cabris en criant « l’hydrogène, l’hydrogène », il est nécessaire de connaître quelques chiffres pour avoir à l’esprit des ordres de grandeur … qui douchent les ardeurs.
Un kg de pétrole contient 12 kWh d’énergie sous forme de chaleur quand on le fait brûler. Le pétrole (ainsi que ses dérivés l’essence, le diesel,…) est un produit miraculeux car c’est un condensé fabuleux d’énergie qui a surtout la bonne idée d’être liquide à la pression et température ambiante et donc facilement stockable et manipulable (ce qui n’est pas le cas par exemple du gaz naturel et surtout de l’hydrogène).
Un litre d’essence pèse environ 0,7 kg (densité = 0,72) et contient 9 kWh (en fait, 8,8 kWh mais on retiendra 9 kWh). Dans la suite du document, le terme « essence » regroupe tous les carburants issus du pétrole (essence, gas-oil, kérosène,…)
Dans la pratique d’une électrolyse industrielle, il faut 1 litre d’eau et 5 kWh d’électricité [^1] pour fabriquer un « normal mètre cube » (Nm3) d’H2 (soit 1000 litres d’H2 sous forme de gaz à 0° C, à la pression atmosphérique) qui contient 3 kWh d’énergie (rendement de 60% de l’électrolyse). Donc, 1000 litres d’H2 gazeux à la pression atmosphérique à 0°c contiennent autant d’énergie que… 0,3 litres d’essence.
L’H2 étant un gaz très peu dense, sa densité d’énergie par volume est très faible aussi (3 kWh / m3). Pour diminuer ce grand volume encombrant et contenant peu d’énergie, on comprime ce gaz jusqu’à 700 bars, voire davantage. On peut aussi le liquéfier à -253°C. Ces deux opérations « coûtent » de l’énergie, et consomment respectivement 15% et 35% de l’énergie contenue au départ.
Ainsi, comprimé à 700 b, sur les 3 kWh, il ne reste plus que 2,55 kWh, et après liquéfaction, il ne reste que 2 kWh, à partir des 5 kWh d’électricité. Si cette H2 liquide est reconverti en électricité dans une PAC ou une turbine avec un rendement de 50 %, alors il ne reste que 1 kWh d’électricité restitué après stockage des 5 kWh.
En termes d’énergie « contenue » :
1 kg d’H2 = 11 Nm3 = 13,6 l d’H2 liquide = 23,3 l d’H2 à 700 bars et contient 33 kWh d’énergie produit par 52 kWh d’électricité [^2] (en pratique industrielle, le rendement est de 63% par électrolyse avant compression ou liquéfaction).
Un litre d’H2 liquide pèse 73,5 g et contient 2,4 kWh donc 4 litres H2 liquide = 9,6 kWh
Un litre d’H2 à 700 b pèse 43g et contient 1,4 kWh donc 7 litres H2 à 700 b = 9,8 kWh
On en déduit en termes d’énergie (approximativement) :
1 litre essence = 9 kWh = 3000 l d’H2 (à P atm) = 7 litres H2 / 700 b = 4 litres H2 liquide / -253°C
Les arrondis peuvent être intégrés dans les pertes d’H2. Ce gaz a une fâcheuse tendance à s’échapper de ses contenants car la molécule d’H2 est très petite. Elle traverse l’acier et le plastique.
Par comparaison :
1 litre de Butane liquide (239 litres gazeux à 15°C / 1bar) = 7,4 kWh
1 litre de Propane liquide (311 litres » » » ) = 6,6 kWh
1 litre d’hydrogène liquide (810 litres » » ) = 2,4 kWh
1 litre d’hydrogène à 700 bars (470 litres » » ) = 1,4 kWh
1 litre de GPL liquide (280 litres gazeux à 15°c / 1 bar) = 7 kWh (environ 50% propane et 50% Butane / 13,7 kWh / kg)
1 litre GNL liquide / – 162°C # 5 kWh (1 litre / 200b = 3 kWh)
(GNL = 95% méthane = 10 kWh / nm3 ; 0,67 kg / nm3; densité liquide 0,42 ; 1 kg = 15 kWh)
En équivalent énergie, 1 kg de gaz naturel véhicules (GNV) = 1,3 litre de SP95 = 1,15 litre de gazole = 1,67 litre de GPL.
III) Utilisation et stockage de l’H2 dans des véhicules
Il y a deux manières d’utiliser l’H2 dans des véhicules.
- Soit on utilise directement l’H2 dans un moteur à explosion conventionnel dit encore Moteur à Combustion Interne (MCI). Avec un MCI, le rendement est de 25% (on récupère 25% de l’énergie de l’H2 contenue dans le réservoir pour faire avancer le véhicule, comme avec l’essence).
- Soit on transforme l’H2 en électricité dans une Pile à Combustible (PAC) pour faire tourner un moteur électrique. Avec une PAC, le rendement est de 50%.
En fait, ces chiffres peuvent grandement varier suivant les conditions d’utilisation du véhicule (autoroute, ville, route de montagne, …), comme avec un véhicule à essence.
A ce stade du raisonnement, il apparaitrait plus rentable de transformer l’H2 en électricité dans une PAC. Mais une PAC est fabriquée avec du platine qui sert de catalyseur (le platine est rare et cher) et avec une membrane spécifique (chère aussi) qui sert d’interface entre les électrodes.
Actuellement, une PAC pour alimenter un moteur de 80 kW d’une voiture moyenne coûte 40.000 € (5000€/kW [^3]) et coûterait de 4000€ à 10.000€ [^4] (60$/kW [^5])… si 500.000 voitures « PAC » étaient produites par an.
Donc, en attendant que le prix d’une PAC soit divisé au moins par cinq et que les problèmes de fiabilité soient résolus, brûler de l’H2 dans un MCI a des attraits certains en termes de coûts pour encore de nombreuses années.
Il y a aussi deux manières de stocker l’H2 dans un véhicule.
- Soit on le compresse jusqu’à 700 bars en utilisant 15% de l’énergie stockée.
- Soit on le liquéfie à – 253°C en utilisant au moins 35% de l’énergie stockée [^6].
Un litre d’H2 liquide (73,5 g) contient seulement 2,4 kWh. Mais pour l’obtenir, il aura fallu produire 0,8 Nm3 d’H2 gazeux par électrolyse avec 3,8 kWh d’électricité (rendement = 63%) et ajouter encore 1 kWh juste pour le liquéfier. Soit au total 4,8 kWh pour obtenir un litre d’H2 liquide contenant 2,4 kWh.
Il y a donc une perte de plus de 50% à partir de la production d’électricité pour obtenir de l’H2 liquide, sans tenir compte des pertes de transport, de transfert et de stockage.
On pourrait croire qu’il vaudrait mieux utiliser l’H2 liquide qui prend moins de place. Mais, pour une même énergie emportée, l’H2 liquide coûte plus cher à fabriquer.
« Pour liquéfier l’hydrogène [^7], l’énergie requise est encore plus importante surtout pour les petits liquéfacteurs. Toujours évaluée en perte de pouvoir énergétique cette dépense d’énergie va de 150% de perte (!!) pour les unités produisant quelques kg d’hydrogène liquide par heure à seulement 30% pour celles produisant au moins 1 t/heure ».
Et, surtout, conserver l’H2 liquide à -253° ne s’effectue pas sans pertes. Il faut un réservoir de type « thermos ». Malgré son enveloppe isotherme, il s’évapore continuellement en bouillant. Pour une voiture (le volume et l’isolation du réservoir sont nécessairement réduits), les pertes vont de 1 à 5% par jour [^8]. En 15 jours, la moitié du réservoir peut s’être évaporée. Ce qui diminue encore le rendement et augmente le coût d’utilisation.
Compte tenu des fuites importantes d’H2 liquide et pour des raisons de coûts et d’utilisation courante, il semble préférable, aujourd’hui et dans un avenir « raisonnable », de choisir l’H2 comprimé à 700 b utilisé directement dans un MCI (sans pile à combustible et moteur électrique).
Une troisième possibilité « technique » est à mentionner : le stockage dans les hydrures.
« Le stockage de l’hydrogène dans les hydrures métalliques [^9] est en rapport quantité stockée/volume du réservoir trois fois supérieur à celui du gaz comprimé et offre en cela de l’intérêt pour la voiture particulière. En revanche, en raison du poids élevé des hydrures métalliques, le pourcentage poids stocké/poids du réservoir, quelques 1%, est le plus défavorable de tous les modes de stockage.
Concernant la distribution proprement dite, il n’est guère possible d’envisager un transfert direct car l’hydruration qui correspond au remplissage est très exothermique, et donc exige un refroidissement énergique du réservoir et de plus, il est un processus physico-chimique lent. Un remplacement du réservoir vide par un plein pourrait être une meilleure solution à la condition, là encore, de disposer d’un équipement de manutention adapté au poids, 100 kg ou plus, des réservoirs à hydrures.
Le stockage dans les hydrures (peu développé et correspondant à beaucoup de cas particuliers) ne permet pas d’avancer des évaluations chiffrées sur les quantités d’énergie qu’il requiert. Mais sachant que l’hydrogène doit au préalable être comprimé et que pour le récupérer l’hydrure doit être chauffé, la quantité d’énergie à mettre en jeu sera intermédiaire entre celle que demandent la compression et la liquéfaction ».
Dans la suite de ce document, l’analyse se concentre donc principalement sur la filière à « 700 b » avec MCI.
IV) Le cas d’une voiture « moyenne »
Pour une voiture moyenne avec « moteur à combustion interne » (MCI) consommant 7 litres d’essence par 100 km, il faut donc 2 kg d’H2 (contenant 66 kWh) pour parcourir 100 km ce qui représente un volume de 49 litres d’H2 à 700 bars (ou 28 litres d’H2 liquide qui « fuit » rapidement).
En prenant en compte les 20% (minimum) de pertes de compression, transport, stockage, il faut donc produire 2,5 kg d’H2 nécessitant environ 130 kWh d’électricité [^10] (2,5 x 52 kWh = 130 kWh) pour parcourir 100 km « à l’H2 » avec une voiture moyenne ayant un moteur « normal » (MCI).
Le rendement mécanique d’un MCI étant d’environ 25%, il reste 16 kWh fournis « aux roues » pour faire 100 km à partir des 66 kWh contenus dans les 2 kg d’H2.
Le rendement de la centrale électrique « jusqu’aux roues » est donc au final de 10% à 15% pour un moteur MCI alimenté par un réservoir à 700 bars (16 kWh « aux roues » / 130 kWh d’électricité produits à l’origine = 12,3% [^11]).
**Long trajet de 600 km :**
Pour parcourir 600 km sans ravitailler avec un véhicule « essence » moyen consommant « 7 litres au 100 », il faut un réservoir d’essence de 42 l pesant 40 kg [^12], quand il est plein.
Avec l’H2, c’est une autre histoire…
**En termes de poids :**
Ce qui pèse lourd, c’est l’enveloppe du réservoir d’H2 à 700 b.
Le réservoir complet de 12 kg d’H2 à 700 b pèse 240 kg [^13] (10 bouteilles de 22 kg et structures) ce qui représente un surpoids de 200 kg (par rapport à « l’essence ») qui ne diminue quasiment pas avec la consommation puisque la masse d’H2 ne représente que 12 kg, soit 5% du poids total du réservoir.
**En termes de volume :**
12 kg H2 x 23,3 l/kg = 290 l d’H2 à 700 b (ou 12 kg x 13,6 l/kg = 165 l d’H2 liquide. Dans ce dernier cas, il faut rajouter l’épaisseur importante de l’isolation du réservoir).
Les deux réservoirs (H2 à 700 b ou H2 liquide) ont un volume identique [^14] d’environ 400 litres [^15].
**En résumé :**
Par rapport à l’essence, pour parcourir 600 km, le réservoir d’hydrogène à 700 bars est près de dix fois plus gros (400 litres / 42 litres) et six fois plus lourd (240 kg /40 kg) qu’un réservoir d’essence.
On peut cependant encore l’insérer dans une voiture moyenne, même s’il y a forcément moins de place de place disponible et de charge utile possible.
V) Conditionnement, transport et distribution de l’H2
L’hydrogène doit, comme tout autre produit, être conditionné, transporté, stocké et distribué. Tous ces procédés requièrent de l’énergie. Dans notre économie hydrocarbure d’aujourd’hui l’énergie perdue entre la source et le consommateur final est de 12% pour le pétrole et 5% pour le gaz naturel.
**Conditionnement :**
Rappel : L’énergie requise pour la compression de l’hydrogène de la pression ambiante à une pression de 200 bars est de l’ordre de 7% de l’énergie contenue dans le réservoir, elle est de 15% pour atteindre 700 bars et de 35% pour la liquéfaction.
**Transport :**
Le facteur actuel qui limite le transport de l’essence par camion citerne est le poids du combustible transporté. Cependant, pour l’hydrogène, le facteur limitant est le volume.
Pour obtenir l’équivalent énergétique d’un camion citerne d’essence il faudrait 22 camions identiques d’hydrogène à 200 bars ou 3 camions citernes d’hydrogène liquéfié (un camion de 40 tonnes transporte 3,5 t d’H2 liquide maximum [^16]).
De plus, il est commun de transporter des gaz à une pression de 200 bars et de les livrer jusqu’à une pression de seulement 40 bars, ce qui implique que l’on ne livre que 80% du contenu de la citerne.
Délivrer de l’hydrogène (transport, transfert, stockage, distribution) implique donc une consommation plus importante que le transport d’essence pour une même quantité d’énergie délivrée.
La quantité d’énergie nécessaire pour transporter de l’essence par camion est raisonnable (2,5% du contenu énergétique livré à 600 km).
En revanche, cette quantité d’énergie dépensée est très élevée pour le transport d’hydrogène gazeux et liquide par camion (respectivement 80% et 11% du contenu énergétique livré à 600 km).
Le transport de l’hydrogène par camion citerne est une proposition très douteuse.
Il reste la possibilité d’insertion d’H2 dans le réseau de gaz naturel ou de constructions de gazoducs dédiés qui requièrent des investissements élevés et soulèvent certains problèmes techniques tels que les fuites dues à la plus petite taille de la molécule d’hydrogène en comparaison du gaz naturel. L’énergie dépensée pour son transport est aussi trois fois plus importante.
« La physique indique en effet que l’énergie nécessaire pour comprimer un gaz ne dépend pas du gaz, mais juste de la pression de départ et celle d’arrivée. Comprimer 1 m3 de méthane de 1 à 200 bars ou comprimer 1 m3 d’hydrogène de 1 à 200 bars demande exactement la même quantité d’énergie. Comme faire passer un gaz dans un tuyau c’est essentiellement le comprimer à intervalles réguliers, il en résulte que la dépense d’énergie pour le transport et le stockage sont essentiellement proportionnels au volume de gaz. Mais brûler 1 m3 de méthane et 1 m3 d’hydrogène ne donnent pas la même énergie !
Un m3 de méthane (gaz naturel) libère une énergie de 9,89 kWh (35,6 MJ) en brûlant, alors qu’un m3 d’hydrogène ne libère que 3 kWh (environ 10 MJ). A cause de cette caractéristique, intangible, la dépense de transport sera donc au moins 3 fois plus importante, en proportion de l’énergie restituée, pour l’hydrogène que pour le méthane, et pour ce dernier la dépense en transport, ramenée à l’énergie transportée, est déjà bien supérieure à ce qu’elle est pour le pétrole ». (Site de J.M Jancovici; Que peut-on espérer des PAC; Août 2006).
Cependant, l’AFHYPAC annonce que le transport par gazoduc serait seulement 1,5 à 1,8 fois plus cher que le gaz naturel [^17] et que « l’hydrogène est considéré comme un vecteur d’énergie plus économique que l’électricité quand les distances sont supérieures à 1000 km [^18] ».
Pourquoi cette différence ? Où est l’erreur ?
L’AFHYPAC indique également que la dépense d’énergie d’H2 par gazoduc est de 1,4% de l’énergie transportée chaque 150 km, pour alimenter les pompes hautes pression le long du réseau [^19].
**Distribution :**
Si un liquide peut être transféré d’une citerne pleine vers un réservoir vide sous l’action de la gravité, ce n’est pas le cas pour les gaz. Le transfert de l’hydrogène d’un réservoir vers une application (une voiture par exemple) nécessite 3% du contenu énergétique transféré.
(Voir annexe 2 : Distribution pour les réservoirs à air comprimé).
**Distribution de l’H2 à 700 b dans les véhicules MCI**
Il y a principalement deux manières d’envisager la production par électrolyse de l’H2 et sa distribution vers les véhicules :
- **Centralisé :**
Quelques grosses usines d’électrolyse industrielle implantées près de centrales électriques produisent de l’H2 qui est transporté par canalisations (pipe-lines) vers les stations service (comme le gaz naturel). Construire un réseau dédié serait très coûteux mais s’il s’agit de remplacer le gaz naturel dans le futur, alors on peut envisager d’utiliser ce réseau devenu inutile pour distribuer l’H2 sous quelques bars.
La station comprimerait ce gaz à 700 b (ou plus) sur place avant distribution à la « pompe » (qui serait un « connecteur – distributeur – détendeur).
On peut mélanger de l’H2 au gaz naturel et utiliser directement ce mélange ou procéder à sa séparation à l’arrivée, mais ce procédé est coûteux et se rajoute à un prix de l’H2 déjà élevé.
On peut raisonnablement estimer que 5 à 10% de l’H2 est perdu à la livraison dans les canalisations et dans les fuites du stockage de la centrale de production et de la station service. La dépense d’énergie est de 15% lors de la compression à 700 b sur le lieu de distribution.
Des solutions centralisées de productions massives plus économiques, comme le craquage thermochimique à haute température de l’eau couplé à une centrale nucléaire dédiée (Very High Temperature Reactor : VHTR), pourront certainement être mises en œuvre à plus longue échéance (50 ans et plus) lorsque le réseau de gaz naturel sera partiellement disponible pour distribuer l’H2.
- **Décentralisé :**
L’électricité est transportée jusqu’aux stations service (plus facile à transporter que le gaz) et l’électrolyse s’effectue sur place.
Des électrolyseurs récents fournissent l’H2 directement à 700 bars mais le nombre de stations service risque d’être limité.
– D’une part, leur prix d’achat élevé (plusieurs centaines de milliers d’euros) nécessite une production importante pour amortir l’investissement. Ce prix empêchera la production / compression à domicile qui est pourtant techniquement possible mais pas économiquement viable.
– D’autre part, si on veut une production compatible avec les besoins d’une station service, leur volume est important. Chaque électrolyseur est une « petite usine » et il en faudrait plusieurs (voir photo en annexe d’un électrolyseur ELT, 760 Nm3 / heure à 30 bars). Dans le cas de cet électrolyseur ELT, par exemple, il en faudrait huit pour alimenter une station service livrant 10 kg d’H2 par véhicules (autonomie de 500 km) à 1000 véhicules par jour [^20].
Pour produire ces 10.000 kg d’H2 compressés à 700 bars par jour avec un rendement de 50%, il faut rien moins que 1000 MWh [^21], soit une alimentation d’une puissance de 50 MW (pour une seule station service) pendant 20h par jour.
Le fonctionnement de 30 stations-service absorberait la puissance d’un réacteur nucléaire de nouvelle génération EPR [^22] d’une puissance de 1600 MW.
**En résumé :** Malgré toutes ces difficultés, si l’économie H2 voit le jour dans quelques dizaines d’années, elle commencera probablement par emprunter la filière MCI / 700 b (ou plus) par électrolyse décentralisée sur le lieux de vente aux particuliers car il est plus facile de transporter l’électricité que l’H2.
VI) Coûts
En France, un kWh d’origine nucléaire coûte entre 4 et 5 c€ à la production. Il est vendu 7 c€ HT après transport et distribution aux industriels.
Supposons que la production de l’H2 par électrolyse soit principalement décentralisée. Nous prendrons donc le prix de l’électricité hors taxes après transport, soit 7 c€ comme base de référence pour la production d’H2 dans les stations-services.
Selon le Mémento de l’H2 de l’AFHYPAC [^23], le prix de revient (en euros) de l’H2 produit par électrolyse de l’eau est de :
PH2 ($/GJ) = 1,25 x prix de l’électricité + 5,5 (€/GJ) en 2004. Et 1 GJ = 278 kWh
On en déduit :
PH2 = 1,25 x 0,07 (c€/kWh) x 278 (kWh) + 5,5 (€/GJ)
D’où : PH2 = 30 € /GJ = 10,8 c€/kWh = 3,6 €/kg
Des unités industrielles d’électrolyse alcaline de grandes dimensions permettent de produire l’H2 à « environ 3 €/kg [^24] ».
En estimant à 22$/GJ[^25] en 2013, le coût de la distribution d’H2 comprimé à la station service, soit 6,1 c€ /kWh, on aboutit à un prix à la « pompe » de 10,8 + 6,1 = 16,9 c€/kWh d’H2.
Pour parcourir 100 km, avec une voiture « moyenne » (7 litres d’essence au 100 km), il faut 2 kg d’H2 (66 kWh).
Il en coûtera donc :
66 kWh x 16,9 c€/kWh = 11,2 € HT de coût d’H2 livrée dans le réservoir de la voiture.
A ce coût d’environ 12 €, il faut rajouter les taxes [^26] en vigueur actuellement (5,6 € pour 7 litres d’essence). Sinon, qui paie les recettes fiscales de l’état dont a besoin la collectivité ?
Il en coûterait donc aujourd’hui au minimum 17 € TTC pour faire 100 km avec de l’H2 issu d’une électrolyse industrielle, alors que 7 l d’essence à 1,5€ TTC coûtent 10,5€ … et que 7l d’essence à 2€ coûtent 14€. Il faudrait atteindre au minimum 2,5 € le litre (7 x 2,5 = 17,5 €) pour commencer être financièrement concurrentiel, compte tenu des inconvénients (poids, volume, autonomie, recharges …).
L’économie H2 dans l’avenir :
Au mieux, l’H2 pourrait entrer financièrement en concurrence avec le pétrole si la spéculation sur ce produit l’amenait à dépasser 300 $ / baril.
Avec un baril à 100$, le litre d’essence est vendu 1,6 € à la pompe. Les « frais fixes » (taxes, transport, raffinage, …) représentent 1 € et la « matière première » ne représente que 0,6 € le litre [^27].
Si le baril venait à tripler (300$), le prix à la pompe serait alors de 2,8 € le litre (1 € + 1,8 €), toutes choses égales par ailleurs. Le montant des taxes peut être stabilisé et il n’est pas plus cher de raffiner et de transporter un pétrole à 100$ le baril qu’à 300$.
Il resterait encore cependant les inconvénients de la production massive d’H2 par électrolyse qui nécessiterait une production supplémentaire importante d’électricité non encore envisagée.
Il faudrait en effet tripler la production nationale actuelle (500 TWh + 1000 TWh = 1500 TWh) pour alimenter le parc de 30 millions de véhicules (voitures, camions, utilitaires, bus, …) en France [^28].
Aux USA (350 millions de véhicules), il faudrait multiplier par neuf le parc actuel de 100 réacteurs nucléaires pour produire 7000 TWh d’électricité.
Quant à alimenter le milliard de véhicules qui circulent dans le monde…
Cependant, à 200$ ou 300$ le baril, des réserves de pétrole moins accessibles ou abandonnées vont devenir rentables. Les investissements dans la recherche vont augmenter et les découvertes de nouveaux gisements de pétrole et de gaz aussi.
Conclusion
Le vecteur d’énergie idéal pour effectuer le transfert d’énergie de sa source de production vers son lieu d’utilisation doit rester liquide à la pression atmosphérique ou sous faible pression (quelques bars).
L’essence et les GPL (gaz de pétrole liquéfié) tels que le Butane, le Propane ou le GPL carburant (mélange de Butane et de Propane) sont de bons exemples. Leur usage énergétique est très répandu non seulement parce qu’ils sont abondants pour encore quelques dizaines d’années (60 à 100 ans) mais aussi parce que leurs propriétés physiques les rendent faciles à manier, conditionner, transporter, stocker…
Leur remplacement ne sera pas simple dans les véhicules…
L’usage énergétique de l’H2 est quasiment inexistant (1% pour les fusées) parce qu’il est difficile à manier, conditionner, transporter, stocker… ce qui le rend peu pratique et très coûteux à exploiter.
Dans ces conditions, l’H2 ne concurrencera pas le pétrole jusqu’à sa disparition, à moins que son prix élevé le rende inabordable (au-dessus de 300$ le baril).
Bien que n’émettant pas ou peu de pollution et de CO2, le marché de l’H2 ne se développera pas avant plusieurs dizaines d’années (50 ans ou plus), en dehors d’opérations « publicitaires » ou « financières », plus ou moins bidons, subventionnées par les contribuables.
L’H2 utilisable par les particuliers restera très difficile à mettre en œuvre et probablement très cher aussi. De plus, il n’apporte aucun confort supplémentaire. Au contraire : l’espace disponible et la charge utile seront notablement diminués si on souhaite maintenir une autonomie identique (entre 600 km et 800 km).
Mais surtout, l’économie hydrogène consommerait en amont 75% à 90 % de l’énergie produite (électricité ou chaleur) pour n’en livrer que 10 à 25% à l’utilisateur final à un coût prohibitif, et pour longtemps.
Il faudra vraiment en avoir besoin pour se payer une telle perte d’énergie et donc… d’argent.
Produire une telle quantité d’électricité (ou de chaleur à 1000 °C) pour remplacer les usages du pétrole et du gaz pour la mobilité semble hors de portée du monde pour le siècle en cours, même pour les pays les plus industrialisés.
L’H2 énergie est une solution d’avenir qui risque malheureusement de le rester longtemps !
Footnotes
- AFHYPAC : Mémento de l’hydrogène. Fiche 3-2-1 mai 2013. ↩
- AFHYPAC : Idem ↩
- J.M Tarascon; Collège de France; Chaire de développement durable. « PAC et les différentes filières », 9 mars 2011. ↩
- Ca dépend de la charge de platine à l’électrode (0,2 à 0,8 mg / cm2) et des cours mondiaux du platine (de 1000 € à 2000€ ces dernières années). Le cours était de 1325$ / 31 g le 05 juillet 2013). ↩
- F.A De Bruijn. « PEM fuel cell durability and cost » présenté en novembre 2009 à Oslo / Norvège. ↩
- AFHYPAC : Etude technico-économique prospective sur le coût de l’hydrogène. Fiche 10 – avril 2006. ↩
- Extrait de AFHYPAC, Fiche 4.5.1 juillet 2008; Chapitre IV: « Bilan de la distribution d’H2 ». ↩
- Fiche 4.5.1 « Distribution pour les réservoirs à H2 liquide ». ↩
- Idem note 12 ↩
- Ces chiffres sont cohérents avec la fiche 4.5.1 déjà cité. ↩
- Un calcul à partir des rendements successifs amène bien sûr globalement au même résultat : Electrolyse 63% x transport 90% x stockage (compression,..) 85% x MCI 25% = 12% ↩
- Densité de l’essence = 0,72 42 l x 0,72 = 31 kg, plus 9 kg de réservoir = 40 kg ↩
- Fiche 9.1 « Stockage gazeux sous pression » : 30 g H2 / litre de réservoir et 55 g H2 / kg de réservoir. ↩
- AFHYPAC, Mémento de l’H2, fiche 4, décembre 2011, Chapitre IV: Les performances ↩
- Fiche 9.1 « Stockage gazeux sous pression » : 30 g H2 / litre de réservoir et 55 g H2 / kg de réservoir. ↩
- AFHYPAC mémento de l’H2, fiche 4.3, juillet 2011, page 7 ↩
- Mémento de l’H2 « Pourquoi l’H2 ? » Octobre 2006, page 8 ↩
- Idem, page 13 ↩
- Fiche 4.5.1 « Bilan énergétique de la distribution de l’H2. ↩
- 760 Nm3 H2 => 69 kg H2 x 20 heures / jour => 1380 kg / jour x 8 = 11040 kg (soit une moyenne de 10.000 kg / jour livrées en tenant compte des pertes, maintenances et réparations) ELT – Elektrolyse Technik GmbH, (Allemagne) : électrolyseurs de 330 à 760 Nm3/h, de 1 à 30 bars. http://www.elektrolyse.de ↩
- Il faut 52 kWh d’électricité pour produire 1 kg d’H2, soit 104 kWh avec un rendement de 50%. ↩
- European Pressurized reactor ↩
- Fiche 10, page 4 : PH2 = 1,25 x P électricité + 7,10 ($/GJ) ↩
- AFHYPAC Mémento de ↩